Photo Agence QMI, Toma Iczkovits
Nous apprenions la semaine dernière que le gouvernement comptait accueillir 70 000 immigrants l’année prochaine, pour combler les effets de la crise sanitaire. Quelques jours plus tôt, le ministère de la Santé et des Services sociaux annonçait qu’il avait reçu le mandat de recruter plus de 4000 travailleurs de la santé à l’étranger, principalement des infirmières, face à la pénurie de personnel dans le réseau.
Cela me rappelle un adage de ma grand-mère, qui aimait dire qu’une seule main ne peut nouer les lacets d’une chaussure, malgré ses cinq doigts. Qu’il y a donc des situations où un coup de main est nécessaire et requiert de mettre un peu d’eau dans son vin. Permettez-moi d’attacher deux rubans pour faire le nœud de ce qui pourrait être, en plus des emplois offerts aux futurs immigrants, un beau cadeau de bienvenue. Cadeau utile à tous, pour ne pas perdre par la fenêtre la plus-value que nous voulons faire entrer par la porte.
Santé mentale
Les nouveaux arrivants ne sont pas des travailleurs sur deux pattes, mais des personnes à part entière avec des besoins qui vont au-delà du travail. Et en ce sens, mon premier ruban touchera à leur santé mentale. Plusieurs études attestent que lorsque les immigrants arrivent au pays, leur niveau de santé mentale est au-dessus de celui de la population d’accueil, mais dégringole en dessous de la moyenne en à peine cinq ans. Il y a huit ans déjà, Immigration Canada mentionnait qu’environ 29 % des immigrants récents signalaient qu’ils avaient des problèmes psychologiques et 16 %, un niveau de stress élevé, deux ans après leur arrivée. Et le stress, nous le savons, est souvent lié à d’autres problèmes tels que la perte d’efficacité au travail, l’anxiété, l’épuisement, etc.
Qui dit santé mentale, dit services de soutien psychologique. Or, notre réseau est saturé dans ce domaine, les listes d’attente ne finissent plus de s’allonger et, dans plusieurs cas, il arrive qu’un CLSC dirige des usagers vers des organismes pour ce type de services. Nous avons pu le constater dans le cadre d’un projet novateur de clinique psychosociale d’urgence, initié par la clinique MyLumen en partenariat avec l’organisme d’accueil le CARI St-Laurent, pour soulager la détresse psychologique des usagers et désamorcer certaines crises avant qu’elles n’aboutissent à des situations de violence conjugale ou de placement d’enfants.
Les enfants
Cela m’amène à mon deuxième ruban. Selon les statistiques de 2016 du ministère de la Famille, 84 % des familles immigrantes de la grande région de Montréal (72 % de l’immigration globale) avaient un enfant d’âge mineur. Or selon les chiffres des centres jeunesse et le constat de la commission Laurent, les enfants immigrants sont plus susceptibles d’avoir un signalement retenu entraînant une intervention de la DPJ et le retrait de l’enfant de la famille au cours de l’évaluation.
La commission Laurent précisait que plusieurs barrières empêchent les familles immigrantes de bénéficier pleinement des services publics et recommandait de mettre plus de services en prévention. Il me semble donc que mettre l’accent sur la préparation et l’accompagnement des familles à leur atterrissage, autant que sur la francisation et l’employabilité, ne serait pas un luxe, à moins qu’on ne veuille entretenir chez les immigrants le mythe selon lequel la DPJ est là pour prendre leurs enfants et les donner à des familles de souche.
En résumé, pour maximiser la plus-value des personnes immigrantes pour notre société, et éviter qu’elles ne viennent malgré elles ajouter une pression supplémentaire sur le réseau, une réelle stratégie de soutien psychologique et familial serait de mise.
Publié initialement sur journaldemontreal.com